Se « pauser » pour (re)trouver du sens à sa carrière
Chroniques | 2022-11-08
Par Laurie Beauregard, c.o., et Raphaëlle Daigle, c.o.
Sous le thème de Cultivons le SENS de l’orientation, il s’avère plutôt audacieux de parler de backpacking, ce fameux type de voyage en sac à dos qui s’inscrit parfaitement à la suite des études ou à l’occasion d’un congé sabbatique plus tard dans la vie professionnelle. Pourtant, c’est le sujet qui sera abordé dans ce présent article! Laurie Beauregard, conseillère d’orientation (c.o.) depuis une dizaine d’années l’a expérimenté et Raphaëlle Daigle, nouvellement c.o. l’a même étudié : sortir du cadre est plus que pertinent lorsqu’on est à la recherche de SENS !
« Après plusieurs années, assise sur la même chaise, le confort qui prenait place devenait inconfortable. J’ai ressenti le besoin d’exister autrement que dans mon rôle professionnel, de me retrouver moi et de laisser émerger d’autres facettes de ma personne », raconte Laurie cumulant plusieurs années d’expérience sur le marché du travail. C’est avec instinct et naïveté qu’elle a osé cette aventure, sans savoir les retombées positives qui allaient en découler, notamment sur sa carrière. En effet, la pause professionnelle est un sujet rarement évoqué tant dans les recherches en orientation que dans les cours universitaires portant sur les stades de développement et les théories vocationnelles.
En étant des spécialistes du développement de carrière, on prône surtout l’investissement au travail et le cumul d’expériences à insérer dans son curriculum vitae, pas à traverser un pays en sac à dos. De façon générale au Québec, l’année sabbatique semble peu mise de l'avant par les acteurs du milieu scolaire et du marché du travail. D’une part, les personnes intervenantes du milieu scolaire proposent davantage des séjours à l’étranger organisés et d’une durée déterminée, plutôt que de prendre une pause des études et mener ses propres projets. D’autre part, il n’arrive pas souvent que les employeurs encouragent le congé sabbatique chez leurs employé(e)s pour diverses raisons que l’on peut comprendre, surtout en contexte de pénurie de main-d’œuvre.
Et pourtant, ces mois remplis d’expériences diverses apportent un lot de bénéfices transférables dans la carrière d’un individu. En effet, concernant l’expérience du backpacking, l’essai de Raphaëlle a mis en exergue que le jeune adulte backpacker (18-35 ans) peut développer certaines compétences non techniques utiles et tant convoitées sur le marché du travail (par exemple, la créativité, l’empathie, l’ouverture d’esprit ou la communication interculturelle), découvrir et repositionner ses valeurs, intérêts et savoirs, développer une nouvelle vision sur le monde et adopter des changements dans ses habitudes de vie (Daigle, 2021). Ce sont tant de nouvelles expériences de vie enrichissantes permettant d’apprendre à se connaitre sous d’autres angles, de stimuler sa croissance personnelle et souvent de cerner mieux son identité personnelle (Daigle, 2021). Ainsi, le temps d’arrêt pour explorer et faire de l’introspection offert par le voyage peut aider l’individu à effectuer des choix plus éclairés et authentiques (Daigle, 2021).
Et si la personne professionnelle en orientation se donnait aussi le droit de prendre un temps d’arrêt, quelle que soit la durée, en dehors des sentiers battus? Effectuer un pas de recul par rapport à son rôle professionnel pour écouter sa boussole intérieure et la laisser nous guider vers nos besoins actuels, permettant ainsi de se redécouvrir, se réinventer, se repositionner, bref retrouver du SENS à ses projets professionnels. N’est-ce pas une avenue que l’on conseillerait à toute personne en quête de soi?
« En tant que relève de la profession de c.o., je constate que la quête de mon identité professionnelle prend beaucoup de place en début de carrière, mais je pense qu’il est tout autant important de prendre soin à développer mon identité personnelle qui pourra orienter mes projets professionnels de façon éclairée afin d’assurer le maintien d'un SENS à ma carrière », souligne Raphaëlle. Pour sa part, Laurie témoigne que le congé sabbatique et le backpacking lui ont permis un retour à soi pour réfléchir et ressentir de manière authentique, sans influence et sans pression, de créer un espace pour accueillir la nouveauté et les opportunités, d’avoir le temps pour être réellement présent à soi et aux autres ainsi que de prendre un pas de recul pour rechoisir sa vie et sa carrière selon son identité personnelle. L’expérience de Laurie fait prendre conscience à Raphaëlle qu’il importera, en tant que professionnelle en santé mentale et considérant tous les défis inhérents à ce rôle, de faire des choix et de poser des actions tout au long de sa carrière pour demeurer en congruence avec ses valeurs, ses besoins et ses exigences d’emploi qui sont évolutifs. Autrement dit, normaliser le choix de prendre une pause professionnelle afin de vivre une revitalisation mentale, physique et émotionnelle pour se relancer sur le marché du travail, et ce, de manière alignée avec ses objectifs de vie et son cœur.
Les deux c.o. s’entendent sur ce même constat : se développer professionnellement est possible à l'extérieur du contexte des études et du travail et devrait être davantage encouragé tant chez nos client(e)s que pour nous-mêmes. Certes, il s’agit d’une approche peu traditionnelle, mais le marché du travail dynamique invite à l’originalité et à l’agilité. Toutes les retombées d’un arrêt et du voyage peuvent certes aider à adopter une posture professionnelle renouvelée, à bonifier nos façons d’intervenir et à briller dans le domaine de l’orientation avec un bagage de vie unique. Enfin, être en congruence avec qui nous sommes solidifie notre identité et le sens que nous donnons à notre vie et notre carrière.
Référence bibliographique :
Daigle, R. (2021). Les enjeux de la pratique du backpacking dans le processus identitaire des jeunes adultes. [essai, Université de Sherbrooke]. Document téléaccessible à https://savoirs.usherbrooke.ca/handle/11143/19100
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