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Portraits de c.o.

Récit professionnel de Mme Josette Boudreau, c.o. et médiatrice : regard sur une pratique spécialisée

Portraits de c.o. | 2023-10-15
SQO - semaine québécoise de l'orientation

Josette Boudreau, propriétaire d’AJ Transition depuis 2004, est conseillère d’orientation en pratique privée, médiatrice familiale agréée et conseillère canadienne certifiée en counseling.

La conseillère d’orientation Josette Boudreau, une francophone de Carleton, en Gaspésie, éduquée dans un milieu anglophone, détient un baccalauréat en psychologie et une maîtrise en counseling de l’Université McGill. Fait intéressant, toutefois, une autre voie lui fut d’abord suggérée : à l’époque bonne en science, on lui conseille de se diriger vers l’informatique, car « les métiers de l’avenir s’y trouvent ». Elle ressent rapidement un manque de « liens », elle qui aime connecter avec les autres, ce qui la pousse à explorer le monde de la psychologie. Bien vite, elle comprend qu’elle a alors choisi la bonne route.

Elle amorce sa carrière auprès de personnes décrocheuses ou sans emploi âgées de 16 à 24 ans. Elle porte alors le titre de « conseillère spécialiste » au sein de la fonction publique québécoise. Son besoin de liberté et d’aventure la pousse, après une quinzaine d’années de loyaux servics, à quitter son emploi stable et rassurant dans le réseau public pour se lancer dans le monde de l’entrepreneuriat. Avec une partenaire d’affaires, elle fonde alors AJ Transition, un cabinet-conseil alliant leurs différentes expertises et offrant un service de transition de carrière dans sa région.

Elle pilote maintenant seule ce projet entrepreneurial avec une vocation quelque peu différente : Josette est aujourd’hui une médiatrice familiale passionnée. Elle concentre de plus en plus sa pratique autour de cette pratique spécialisée, par intérêt et pour répondre à un criant besoin de société. En effet, les demandes dans ce créneau sont nombreuses et ne font qu’augmenter. Elle s’implique également dans sa communauté professionnelle, notamment auprès de l’Association des médiateurs familiaux du Québec (AMFQ). Elle continue en parallèle sa pratique privée en orientation, avec la conviction que les professions qu’elle pratique en parallèle méritent encore davantage de lumière.

C.o. et pratiques spécialisées : devenir médiatrice familiale ou médiateur familial

Comme elle siège au c. a. de l’AMFQ, Josette est bien au fait qu’il existe seulement six ordres professionnels dont les membres peuvent légalement pratiquer la médiation familiale : Barreau du QuébecChambre des notaires du QuébecOrdre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du QuébecOrdre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec et Ordre des psychologues du Québec. D’après elle, il s’agit d’un point positif pour la valorisation de notre pertinence sociale. Elle rappelle que malheureusement peu de c.o. se prévalent encore de cet agrément (seulement 18 c.o. dans le rapport annuel de l’OCCOQ en 2021-2022).

Pour pratiquer la médiation familiale, une formation générale de 60 heures et 45 heures de formations spécifiques sont nécessaires. Dans ce dernier cas, la formation initiale est influencée par la profession d’origine à laquelle appartient la personne qui désire obtenir l’agrément pour exercer la médiation familiale. En effet, une ou un c.o. n’aura pas les mêmes connaissances à acquérir sur le plan légal qu’une avocate ou un avocat et elle ou il n’aura pas le même bagage d’intervention qu’une ou un spécialiste du droit. Enfin, la personne professionnelle en voie de devenir médiatrice a également l’obligation de suivre au minimum 10 clientes ou clients avec supervision. Au total, environ deux ans sont nécessaires pour répondre aux exigences à la suite de la formation générale.

Durant l’entretien, Josette déplore que notre communauté compte si peu de membres intéressés par la médiation, car elle est d’avis que plusieurs d’entre nous pourraient en tirer de beaux avantages et découvrir de nouvelles avenues d’intervention stimulantes. D’autant plus que, « dans son temps », il était plus ardu d’obtenir l’agrément. Aujourd’hui, avec la démocratisation de la formation à distance et le virtuel, il devient plus aisé pour une professionnelle ou un professionnel de se lancer dans une telle aventure. De plus, les services des membres de l’AMFQ peuvent être couverts par le gouvernement jusqu’à concurrence de quelques rencontres, favorisant une certaine récurrence dans la pratique privée, ce que certaines personnes professionnelles semblent rechercher par l’obtention d’un droit de pratique avec une certification spécialisée.

C.o. et pratiques spécialisées : pratiquer la médiation familiale

À la fin des années 2000, Josette a vécu une séparation. À l’époque, la médiation n’était pas aussi présente dans notre société qu’aujourd’hui. Bien qu’elle ait traversé cette expérience sans trop de grandes vagues, elle aurait aimé avoir ce type de soutien afin de faciliter le processus de séparation. À la même époque, l’OCCOQ subissait des remaniements sur le plan de sa structure. Incertaine face à l’avenir de sa profession première, elle décide alors d’ajouter une corde à son arc et de laisser une chance à son nouvel intérêt pour la médiation familiale. En 2013, elle se lance dans l’aventure et entreprend la formation obligatoire afin d’obtenir l’agrément officiel de médiatrice familiale.

Au Québec, cette pratique est encadrée par l’Association des médiateurs familiaux du Québec (AMFQ), qui définit la médiation comme « un mode de résolution des conflits dans lequel un médiateur impartial intervient auprès des conjoints pour les aider soit à évaluer s’ils doivent mettre un terme à leur union, soit à négocier une entente équitable et viable répondant aux besoins de chacun des membres de la famille et faisant l’objectif d’un consentement libre et éclairé. » (1)

Josette précise que plusieurs compétences transversales des c.o. sont très utiles pour la pratique de la médiation. D’abord, elle note tout ce qui a trait à l’évaluation rigoureuse de la situation d’une personne et à la création d’un lien de confiance. Ensuite, les compétences en counseling et en intervention psychosociale des c.o. sont des atouts considérables pour ce type d’avenue, ainsi que leur capacité à transmettre de l’information précise et détaillée. Elle ajoute que c’est d’abord et avant tout un partenariat avec le couple ou l’enfant aidé. Ensemble, le c.o. et sa clientèle trouveront des solutions aux enjeux rencontrés et examineront les éléments de la route à prendre, avec l’intention de permettre une prise de décision éclairée. « Cela ne fait-il pas partie de la mission du c.o. ? », mentionne-t-elle avec un sourire narquois.

En somme, la principale intéressée affirme que la majorité de ses connaissances et compétences sont donc transférables dans la pratique de la médiation, et elle insiste pour dire que l’expertise première des c.o. est particulièrement facilitante pour soutenir la clientèle qui est souvent en période de turbulences importantes.

Les médiateurs familiaux peuvent soutenir les familles et leurs enfants à différents niveaux lors d’une séparation : responsabilités parentales et financières, division des biens, fonds de pension, communication, accès domiciliaires, etc. Josette est cependant ferme à ce niveau : « Notre rôle n’est pas de donner un avis légal X, il est plutôt de fournir de l’information, d’appuyer le processus d’analyse et de soutenir jusqu’à une prise de décision certaine. » Donc, les médiateurs familiaux ont la responsabilité éthique et déontologique de respecter les limites de leur profession et de diriger leurs clients vers les bonnes ressources au besoin... comme les c.o. !

La médiation familiale : un besoin criant dans notre société

Notre invitée précise que le Québec est le champion canadien des ménages sans mariages. Ce cas de figure pourrait ne pas causer de problèmes en soi, mais les lois actuelles font en sorte que plusieurs personnes tombent le bec à l’eau lorsqu’ils vivent une séparation : par exemple lorsque la division des biens ne se réalise pas de façon égalitaire. Dans notre province, seuls le mariage ou un contrat (notarié) de vie commune protègent les conjoints de fait en cas de rupture.

La médiation est un lieu de hautes émotions et de tensions. Josette nous explique qu’il arrive rarement qu’un couple arrive devant elle avec un accord commun : une personne vit et l’autre subit. La personne médiatrice doit donc avoir des compétences relationnelles développées, une capacité à gérer des conflits et des connaissances théoriques propres à cette pratique. « Notre rôle est d’aider les individus à naviguer sur les eaux troubles, à trouver les bonnes informations et à faire les bons choix afin d’éviter d’être floués dans ce contexte de haute vulnérabilité », dit Josette Boudreau.

D’après la conseillère d’orientation interviewée, malgré une légère amélioration sur la flexibilité des services avec la démocratisation du virtuel à la suite de la pandémie, il y a un besoin criant de médiateurs familiaux dans notre société. Malheureusement pour la population, plusieurs personnes professionnelles, dont des c.o., délaissent la médiation, car ils vivent une situation difficile du point de vue de la valorisation et de la rémunération de leur service, notamment auprès des ministères. C’est pourquoi elle trouve important de valoriser les pratiques non traditionnelles des c.o. afin de rendre celles-ci plus attrayantes et moins difficiles d’accès, sans toutefois jouer sur la rigueur des processus. Enfin, d’après les conseils de Josette, la meilleure façon de découvrir cette pratique et de trouver une médiatrice ou un médiateur agréé, c’est en visitant le site Internet de l’AMFQ (mettre lien) ou la section des pratiques spécialisées sur le site de l’OCCOQ.

La pratique de son métier en région et dans une langue seconde

Dans un autre ordre d’idées, Josette provient d’une région et y demeure. Voici les conseils qu’elle prodigue à celui ou celle dont c’est également le cas : « Mettre en lumière régulièrement les avantages (ex. : grande distance parcourue en peu de temps), ajouter plus qu’une corde à son arc afin d’être polyvalent, être prêt à être mobile, développer ses contacts et faire du réseautage (ex. : s’impliquer dans un regroupement ou une association afin de briser la solitude), etc. » Sur le plan de la confidentialité, les mêmes principes prévalent. En même temps, il est certain que la personne professionnelle habitant une région est amenée à devoir se poser plus rapidement des questions éthiques et déontologiques sur les conflits d’intérêts possibles.

Notre invitée possède également une autre particularité dans son curriculum, soit son bilinguisme. Elle est d’avis que la maîtrise de l’anglais est une compétence de l’avenir et est très reconnaissante d’avoir pu effectuer ses études en anglais. Selon elle, la connaissance de plus d’une langue ouvre des portes, et ce, tout au long de la vie.

Une langue seconde est donc un bon moyen d’ajouter une autre corde à son arc et d’augmenter son employabilité en région et ailleurs. Par exemple, cela lui a permis dès le début de sa carrière d’avoir une clientèle dans toutes les provinces canadiennes. Pour ce faire, elle est devenue rapidement conseillère canadienne certifiée en counseling. Elle pouvait alors offrir légalement et aisément ses services privés aux programmes d’aide aux employés et autres organismes en dehors du Québec. Josette pratique également la passation du MBTI, en plus de pratiquer l’intervention de groupe et être formatrice pour le Myers-Briggs.

Un avenir rêvé pour l’orientation et la médiation

Selon la conseillère d’orientation Josette Boudreau, la profession de c.o. n’est pas seulement en proie aux préjugés et à la méconnaissance au sein de la population : il arrive parfois que les membres de l’OCCOQ soient également dans une certaine ignorance de la diversité des choix de carrière qui s’offrent à eux en intégrant un passionnant métier. Après la lecture de ce portrait, vous êtes justement à même de constater qu’il y a différentes façons de se renouveler en tant que c.o. et qu’il vaut la peine d’explorer ces autres possibilités avant de songer à quitter la profession si un domaine de pratique ne nous convient pas. Pour illustrer la méconnaissance qui entoure la pratique de la médiation familiale, Josette Boudreau fait référence au secteur organisationnel en orientation : un monde rempli de possibilités nouvelles, mais peu exploré par la communauté, et non suffisamment valorisé par les différentes instances.

Comme nous le soulignons régulièrement à notre clientèle, l’orientation, c’est tout au long de la vie, ce qui s’applique également pour les intervenantes et intervenants que nous sommes. Pour Josette, l’intervention tout au long de la vie s’illustre par la métaphore suivante. « (...) Pour faire de la planche à voile, il faut être patient, puis accepter les détours et les réajustements. Tu sais, nous sommes dépendants du vent et nous avons peu de pouvoir sur les marées. N’est-ce pas la même chose pour notre parcours de vie ? Aucun contrôle réel sur notre destin ! Donc, nous avons tous besoin à un moment ou un autre de faire un pas derrière, de prendre du recul et de redéfinir ses objectifs de vie. C’est pour cette raison que l’orientation, ce n’est pas seulement au secondaire, lorsque nous sommes adolescents : notre parcours est parsemé de choix et de remises en question qui ne sont pas associés à une période précise de notre existence, mais qui sont présents tout au long de notre vie... »

Malgré une retraite « théorique » qui arrive tranquillement, Josette souhaite continuer à servir, à explorer et à aider non seulement la population, mais également les membres de la profession de conseillères et conseillers d’orientation et de la pratique de la médiation familiale. De son point de vue, la retraite n’est pas une fin, mais un nouveau départ afin de se rapprocher encore davantage de ce qui compte réellement pour elle.

En terminant, elle souligne avec humour : « Moi, en revanche, j’ai fait un choix. C’est important, dans la vie, nous effectuons des choix qui ont des impacts sur notre quotidien, notre bien-être, etc. Moi, j’ai fait le choix de continuer à travailler, aussi longtemps que j’éprouverai du plaisir, car cette condition est essentielle. J’ai aussi décidé de travailler seulement trois jours par semaine et j’ai conservé deux jours par semaine pour m’occuper de mes petits-enfants. Nous avons le contrôle sur notre destin ; il suffit de faire les bons choix ! »

(1) https://www.mediationquebec.ca/fr/informations_au_public/la_mediation_familiale


Par Maxime Dumais, c.o. et coach professionnel, Création Carrière

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